DECOLLAGE INTERROMPU SUR C 135 F

Par Alex Chatelier


                Notre ami Jean Houben m’a gentiment rappelé, qu’effectivement je faisais parti des rares pilotes à avoir connu un abort sur C135 F.
Il m’a demandé de narrer cette aventure afin de la mettre sur son Blog.

                Là encore je vais faire appel à des souvenirs vieux de 46 ans.
J’ai effectivement retrouvé sur mon carnet de vol la date à laquelle s’est passé cet incident, qui a marqué ma mémoire.

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Equipage : Cne Chatellier Pilote, Slt Moret ou Cne Deneve Cop ? S/C Gaucher Nav, Adt Nouvel Orv.
Ceci s’est passé le 03 Aout 1968 à TAHITI lors d’une mission météo N° 501.
Décollage de Tahiti à 21 h 30 nuit totale face au port. Plein 15 ou 16 Z, C135 F N° 471 FUKCA.

Je ne me souviens plus exactement du temps d’accélération et S1, qui avait donc été calculé comme on le faisait à l’accoutumée à chaque décollage entre 70Kts et S1. Arrivé au time hack ma vitesse était inférieure de 15 kts à celle prévue.
Conformément aux actions vitales, je décidais d’interrompre le décollage ; Aérofreins sortis et freinage maximum ; l’avion s’est arrêté à environs cent mètres du bout de bande, j’ai bien cru que nous terminerions notre course dans le lagon.

Après l’arrêt j’ai fait la reflexion à l’équipage…. : "Nous aurions du amener les palmes , le masque et le tuba".

Demi tour effectué et retour au parking pour prendre le deuxième avion le 472 FUKCB afin d’assurer la mission .

Arrivé au parking la tour de contrôle m’annonce : "vous avez le feu au train d’atterrissage" ; ce qui ne me surprend pas, car comme il est écrit dans le Dash one la libération de l’energie se passe dans les 20 minutes qui suivent un freinage d’urgence.
Les pompiers arrivent, pendant que nous évacuons l’avion par les escapes ropes du poste de pilotage ;
l’incendie est circonscrit, les roues se dégonflent, et les mécanos entreprennent la préparation du deuxième avion.

C’est alors que les deux météos que nous amenons à chaque mission refusent presque de redécoller, ils ont eu la frayeur de leur vie…nous aussi d’ailleurs.
Bref après les avoir convaincus qu’ils ne risquent pas grand-chose, puisque nous remettons cela sans appréhension, ils remontent dans l’avion, et nous redécollons sans problèmes, mission effectuée 8 heures de vol de nuit.

Bilan matériel : 8 pneus crevés, et 8 blocs de freins complètement fondus.
L’avion étant sur cales, bien sur impossible de faire les essais pour connaitre l’origine de ce manque de puissance. Il aura fallu 4 ou 5 jours pour que les pneus et blocs de freins nous soient envoyés, afin de faire les essais, bien que les FAS demandent sans cesse à l’officier mécanos le Cne Grammagnat de faire au plus vite les essais (chose impossible tant que l’avion n’avait pas de freins) , un dialogue de sourds entre le COFAS et l’officier mécano.

                Bref, les essais ont enfin été effectués, et ont démontré une perte de puissance conséquente au réacteur N° 3, qui a été bien entendu changé, et nos missions météos ont repris leur cours normal.

Bien sur le lendemain matin nous faisons la une du journal local qui titrait : « Un C 135 ayant eu un problème au décollage a failli terminer sa course dans le lagon ».

Hélas impossible de remettre la main sur cet article que j’avais découpé.

Expérience et sentiments personnels, j’ai bien cru que nous terminions dans le lagon, car ceci se passait de nuit, une réelle frayeur.