Mort du capitaine Michel CROCCI
(la base aérienne 106 de Bordeaux porte son nom.)
LE TCHAD
L’histoire du Tchad est depuis
longtemps liée à celle de la France, depuis que les conventions signées avec l’
Angleterre
et l’Allemagne en 1890 et 1894
réservèrent à la France un accès au Tchad.
La pacification du Tchad est acquise
en 1917.
Depuis, nos histoires cohabitent et
nous sommes forcés d’intervenir chaque fois que des dictateurs commandités par
une autre puissance tentent de s’emparer du pays.
Dans les années 80 ce fut Goukouni Oueddeï, armé par la Lybie de Kadafi,
qui essaya de détrôner Hissen Habré représentant de
la France.
LA FAR : FORCE d’ACTION RAPIDE
La France se découvre l’opportunité
de déplacer ses avions de chasse hors du territoire, grâce au ravitaillement en
vol.
IL se crée donc, la FAR, composée d’avions
de transport, de chasse, et d’unités combattantes terre, air mer, prêtes à se
projeter en quelques jours n’importe où.
LA LIGNE ROUGE
Le Tchad est compris entre le 10ième
et le 20ième parallèle nord.
La Lybie de Kadafi,
ennemi de la France pour de multiples raisons qui sont économiques et
géopolitiques, est située au nord du Tchad après le Tibesti.
La France décrète que tout
franchissement du 15ième parallèle par des forces armées sera
considéré comme une attaque et il y aura autorisation de l’ouverture de feu.
Elle baptise cette ligne, la ligne
rouge, et plus tard la remontera encore plus haut : au 16 ième parallèle.
LES TROUPES REBELLES
Depuis le mois d’août 1984, 3000
soldats Français veillent sur le Tchad, et sur cette fameuse ligne rouge,
un pays grand comme la moitié de la
France et sur une largeur de 900 kilomètres entre le Niger et le soudan.
Nous sommes le 25 janvier 1984, je
suis au Tchad depuis le début du mois, avec mon ami Michel Marié.
Les troupes rebelles de Gokouni Oueddeï progressent en
silence radio total, et attaquent le poste Gouvernemental de Ziguey
avec l’intention de tester nos
réactions et faire pression sur nous en faisant des prisonniers.
Le poste de Ziguey
est situé sur le 15ième parallèle, défendu par les troupes
Gouvernementales de Hissen Habré.
Ces troupes appelées FANT furent
celles qui l’amenèrent au pouvoir quelques années auparavant.
25 véhicules chargés de 200 hommes de
l’Armée Nationale de Libération (ANL), avec fusées SAM 7, canons et armes
légères, attaquent le village bâti autour d’un point d’eau.
Les combattants FANT résistent, mais
le combat tourne vite à l’avantage des assaillants.
LE REPLI
Les assaillants décrochent à la
tombée du jour, faisant dix prisonniers et deux otages Belges
(Christian Delzenne
et Marie-Chantal Rouckens une sage- femme de
« Médecins sans frontières »).
Ils se réfugient autour d’un point
d’eau, à l’abri de bosquets, et attendent la nuit pour se déplacer.
Ce point d’eau s’appelle TORODUM,
situé sur le 16 ième parallèle.
Depuis leur attaque, les assaillants
ont progressé de 120 km vers le nord, se croyant en sécurité.
LE REPERAGE
Le dispositif de surveillance est
amélioré par la présence de l’avion de la Marine Nationale :
un Breguet Atlantique bourré
d’électronique, qui est capable de détecter tous les déplacements et tous les
mouvements sur la terre.
C’est lui qui localise les troupes
rebelles et donne l’alerte.
Aussitôt un C135 ravitailleur, 2
jaguars et 2 mirage F1 décollent en alerte pour faire une reconnaissance photo.
Les jaguars, grâce à leur caméra
sont chargés de faire les photos pour l’Etat –major, alors que les deux mirages
F1 restent en altitude pour les protéger.
L’ATTAQUE
Les deux jaguar du 4/11 de Mérignac s’apprêtent à 50m
du sol, à faire leur passage.
Le Capitaine Guérin est dans le
premier Jaguar.
Le Capitaine Croci
est dans le second.
Au passage du premier Jaguar, le
Capitaine Guérin ne s’aperçoit pas que les balles et les obus sifflent autour
de lui.
Le Capitaine Croci
surgit à 50m du sol, caméra armée. Deux cents armes sont pointées dans sa
direction,
et surtout les canons de 14,5 et
23mm, des fusées Sam 7, et un quadri tubes soviétique de 23,7mm.
Cette mitrailleuse de très gros
calibre à 4 canons tire 1200 coups minute par tube, soit 4800 projectiles par
minute.
Elle est dirigée par radar, et munie
d’un viseur à système de déplacement, qui lui permet d’envoyer avec précision
sur sa cible mouvante une terrible giclée de balles de 2,5 cm de diamètre.
LE CRASH
Soudain, le manche du pilote devient
béton et l’avion est incontrôlable. Il se met sur la tranche, touché dans son
système hydraulique, point vital de l’avion.
Le pilote comprend qu’il va
s’écraser et actionne son siège éjectable qui part à l’horizontale.
Le parachute ne pouvant de ce fait
s’ouvrir, le Capitaine s’écrase avec son siège.
Son corps sera récupéré 5 jours plus tard au cours
d’une mission en hélicoptère.
Le Capitaine Guérin arme ses 2
canons de 30mm, vire sur l’aile et mitraille la colonne.
En plusieurs passages il largue ses
30 obus, aidé par les Mirages qui se mettent de la partie.
Ils évitent le Toyota blanc des
médecins, et détruisent entièrement la colonne.
LE RETOUR VERS LA BASE DE N’DJAMENA
La colonne nettoyée, les 3 chasseurs
et le C135 mettent le cap sur la base, mais un Mirage est touché et perd tout
son carburant.
IL ne lui reste plus que 5 minutes
d’autonomie, et un ravitaillement en vol n’est pas possible car il n’aurait pas assez de carburant
pour accomplir la procédure de contact.
Les 4 avions rentrent alors et
s’attendent à l’éjection du pilote du Mirage dès que son réacteur s’éteindra.
Le Mirage arrive à se poser et tombe
en panne de carburant sur la piste.
Plus tard au débriefing nous irons
réconforter le pilote car il a été rudement secoué par son aventure.
Le commandement considère qu’il vaut
mieux le rapatrier et lui éviter pour le moment d’autres missions.
Malheureusement nous apprendrons
qu’il se tuera un peu plus tard à Reims lors d’une procédure atterrissage ILS,
qui fera d’autres dégâts.
Finalement Goukouni
Ouddaï parviendra à ses fins, forçant Hissen Habré à reprendre le maquis avec ses FANT, comme il
l’avait fait les années précédentes avant d’être Président.
Quant à mon ami Michel Marié, après
toutes ces aventures, il se tuera bêtement lors d’un accident domestique,
alors qu’il coulait des jours
paisibles à Mont de Marsan, comme quoi…..
Colonel(H) VILLECROZE Jean-René.