LM 25-09-2018 18:30
Nous sommes le 24 Mai 1976, vers 22 H :
" F-UKCB, autorisé pour NICE- ORLY direct" ».
Je suis à la radio, en place droite sur ce vol : notre brave C 135 (PCA Cdt MAURER - pardon pour les autres membres d’équipage que je n’ai pas retenus) est parti d’Istres le 21 pour un aller-retour, quasi de routine, sur DJIBOUTI.
À peine arrivés, consternation sur place : un Puma de l’ALAT s’est écrasé, faisant des morts et plusieurs blessés (une vingtaine). Notre mission va donc se transformer en EVASAN (Evacuation Sanitaire) vers la France métropolitaine.
Il faut du temps pour mettre l’avion en configuration «EVASAN» improvisée avec les moyens du bord - et l’aide des « Biffins » ; merci les mécanos ! - et préparer les blessés transportables pour un long vol, le personnel médical adéquat et son matériel (dont 12 à 15 civières) appartenant à l’Armée de terre.
Le trajet le plus rapide nous ferait traverser l’Egypte, dont le survol nous est interdit. Vu l’urgence, inutile de songer au canal diplomatique habituel qui prendrait des semaines, sinon des mois : l’affaire sera traitée au plus haut niveau. Le COMSUP (Colonel aviateur, commandant l’ensemble des troupes françaises dans ce pays) en personne s’emploie à nous obtenir ce survol pour raison humanitaire, appelant directement l’Ambassade de France au Caire : c’est un premier succès.
Nous avons donc prévu un itinéraire au plus court, sans doute DJIBOUTI - LE CAIRE - PALERME - NICE en coupant dans les coins, puis ORLY par les voies aériennes habituelles.
Plus de sept heures sont passées et nous allons franchir la Côte d’Azur, quand l’un des médecins accompagnateurs vient nous trouver : l’un de ses patients est au plus mal, le gain de quelques minutes pourrait lui sauver la vie…
Je viens donc de demander au Contrôle de raccourcir un maximum, ce qu’il nous accorde très vite.
Mieux : à titre exceptionnel, la piste 02 face au Nord(1) nous est ouverte, pour une arrivée semi-directe avec un seul virage en finale !
Le comité d’accueil était impressionnant : sitôt arrêtés en bout de piste pour gagner du temps, notre aile gauche baigne dans la mer bleue des feux d’ambulances qui récupèrent illico nos passagers, direction l’hôpital militaire du Val de Grâce ( ?).
N’ayant pas été informés d’un décès à bord, nous avons supposé que notre mission était réussie : en pareil cas, c’est la seule récompense qui vaille.
Frédéric Farret d'Astiès
(1) Pendant ma seconde carrière, j'ai tour à tour fréquenté tous les " QFU " possibles à ORLY, où les Fokker de fret d'AIR JET faisaient escale chaque nuit - mais à ma connaissance, cette piste restait inutilisée, sans doute à cause des riverains.