Petite histoire du réacteur J57 PW, Serial number 634 422
Par Gerard Motot, mécanicien réacteur aux GERMAS 15/090 et 15/093
Lors d’un atterrissage normal, probablement avec un léger vent de travers (selon le Commandant de bord, mentionné sur le compte rendu de sécurité des vols et notamment sur la 3SV) le moteur en position 4 entre en contact avec la piste. Cet évènement a eu pour effet, l’arrachage de la nacelle de la voilure, et l’ensemble, avec le moteur, a fait 400 mètres sur la piste (voir les photos jointes). Cela c’est passé en 1984, je n’ai pas de date plus précise, et le C-135F était le n° 737. Voici, le compte rendu technique que nous pouvions lire sur la formule 111 du livret avion : « Suite arrachement TR4 à l’atterro, E/S du mat TR4 par Air France. Dépose/Repose de toutes les tuy, carb, hyd, eau mas TR4. E/S TR4. Dépose/Repose leading Edge ext. D. Check Out gouvernes RAS. Check Out hyd. RAS ».
L’Equipage de cet aéronef nous indiquait à l’époque, qu’il avait rien senti physiquement. Il a vu la manette partir vers le tableau de bord et les indicateurs dévissés vers zéro. C’est quelques instants plus tard qu’il a réalisé les conséquences de l’incident.
Mais, revenons a ce moteur, plutôt à son histoire, car c’est de lui dont il est question, mais aussi parce que c’est une histoire de « mécanos ».
Au début de l’exploitation des C-135F, la révision des parties chaudes de ces J57P59W était confiée à l’atelier moteur du GERMaS 15.090. Cette révision consistait à démonter toutes les parties chaudes du moteur, chambres de combustion et rampes d’injecteur comprises, à les vérifier et les remplacer si besoin. Une telle opération nécessitait, avant et après la révision, le passage du moteur au banc d’essais de campagne, que le GERMAS possédait du côté de la ZA sud de la base d’Istres. Cette opération a été abandonnée au profit de la SOCHATA, filiale réparation de la SNECMA, avant 1972, puisque je ne l’ai pas connue. En 1980, pour différentes raisons, probablement économiques ou peut être dans un objectif lié à la remotorisation, car à cette époque, des études étaient encours, ces opérations ont été retransférées vers le GERMAS 15.093. Je faisais partie de l’équipe. Cette opération s’appelait la VI « visite intermédiaire » et était réalisée à 2200 heures de fonctionnement, en fait, c’était une VNIP « Visite Non Interruptive de Potentiel » en termes Armée de l’air. Après quelques stages de formation dans les locaux de SOCHATA pour le démontage et le remontage du moteurs, puis une formation au banc d’essais à Villaroche et enfin une calibration du banc d’essais (BER) d’Istres, nous allions, mon chef d’équipe, responsable de l’opération et moi-même, son adjoint, trouvé le Commandant en second du GERMaS 15.093 pour l’informer que nous étions prêts.
Et voilà, notre premier moteur qui entre en chantier, c’était le S/N 634 422.
Après son passage au BER, puis son démontage/remontage, nouveau passage au BER, nous avions convenu de réaliser une campagne d’essais au BER de Villaroche afin de comparer nos résultats avec les leurs, puis valider notre travail, ce qui fut fait. Pour la petite histoire, la courbe de pompage minimum acceptable était fixée à 3,4 %. La SOCHATA sortait péniblement des moteurs avec une courbe très légèrement au dessus le 3,4 %. Notre 634 422 avait une courbe honorable à 12 % ce qui nous a valu bons nombres de félicitations et un certain nombre d’encouragement. C’est un bon exemple pour dire que les militaires n’ont rien à envier aux civils.
Mais quel n’a pas été notre désarroi lorsque nous avons appris que notre réacteur fétiche, le S/N 634 422, avait fait un atterrissage dur et définitif sur la piste de la base aérienne 125 d’Istres, un atterrissage sur 400 mètres, belle performance !
Nota : ces photos m’ont été fournies pas nos amis du BT de l’ESTS 15.093 lors de ma dernière période de réserve.
Le réacteur aprés son aventure solitaire ..... |