COLLISION ENTRE DEUX JAGUARS DE LA 11EME ESCADRE DE CHASSE
APRES UN RAVITAILLEMENT EN VOL AU TCHAD.
Récits du pilote du Jaguar, du pilote du C135 et du Breguet Atlantic.
L'accident vu du côté Jaguar.
Par Jean-François, pilote d'un des deux Jaguars.
LE BARBU S'ÉJECTE AU TCHADL'histoire est connue par nombre d'entre vous ; elle a fait l'objet de quelques publications et elle a même été publiée en son temps dans le très officiel BSV (bulletin de sécurité des vols) de la FATAC. Je ne pouvais pas ne pas la mettre en ligne sur le site. N'Djamena, 23 août 1978, 5 h 30. Du lit de camp, direct au PC “Tacaud”. L' Air task attend. Direction la salle d'opérations pour préparer les œufs jambon, aussi la mission, même si elle n'a rien d'extraordinaire, la situation étant calme ou sol depuis 10 jours, pour cause d'oueds qui débordent et donc de partisans rebelles, coalisés et factions de tout poil immobilisés. J'en profite pour faire de l'instruction au profit d'un jeune sous-chef de patrouille qui n'a fait qu'un ou deux ravitaillements en vol en monoplace depuis sa fraîche transformation à cet exercice, qui est toujours passionnant si on désire le faire vite et bien, c'est-à-dire être opérationnel. Je connais bien : il sait “mordre le coussin”. Il me connaît bien : j'aime les choses carrées et n'ai pas l'habitude de “transporter” du pétrole, mais de m'en servir. Cela a de l'importance dans ce qui va nous arriver. Briefing avec l'équipage du ravitailleur. Le rendez-vous est pris à 100 nautiques avant mon point de descente sur la zone de RAV, soit 12 min d'axe au niveau 240. Je me fais fort de prendre les 2 tonnes dont j'ai besoin en à peine 3 à 4 min, ce qui laissera à l'équipier le de faire quelques contacts à sec avant de faire lui aussi le plein. Quelques rappels sur les particularités du ravitaillement en monoplace, et en particulier sur la conduite moteur qui est plutôt pointue sur Jaguar , surtout si l'on ne veut pas utiliser la PC, ce qui me semble être le meilleur exercice pour acquérir la maîtrise du ravitaillement. Nous sommes prêts.
Pendant le croisement, l'équipier me perd de vue quelques instants, ce qui est normal ; mais cela se gâte, car, n'imaginant pas le Barbu faisant du VSV au Tchad, il me cherche bien à sa gauche, bien plus bas et tire comme une vache avec les manettes en butée. Ne me trouvant toujours pas, il dégauchit et stabilise l'altitude, mais le badin est sérieusement joufflu et, quand il me voit, je suis dans sa glace frontale. Il pousse sur le manche (réflexe miracle qui me sauve la vie) et traverse à 50 nœuds de rapprochement la base de la dérive, le seul point de l'avion où les circuits hydrauliques des servocommandes (I, 2 et secours) se trouvent. Vu de mon côté, la situation est tout autre : une détonation à vous dégoûter à tout jamais du VSV et les commandes dans le béton, avec le klaxon qui hurle et le sapin de Noël qui clignote rouge. Le sol est dans le viseur et ça tourne vite. Rideau, on sauve les meubles ; merci Sir Martin. Entre l'explosion et l'éjection : pas plus de 3 sec, et là, si vous savez ce qu'est le chaud, le rugueux et le mou, c'est parce que c'est palpable ; mais avec l'accélération, il faut s'être éjecté pour avoir ressenti avec la partie la plus charnue de son individu ce qu'est un 100 m départ arrêté en 0,9 sec. On a l'impression que cela dure une éternité et que plus il y a de charbon, plus on en remet. Arrivé au sol, on est vraiment heureux et le canot de sauvetage sagement gonflé au bout de son filin plein désert, peut prêter à sourire, mais cela fait du bien. Vite fait, je déstocke le pétard (PA MAC 50) du paquetage, 357 Magnum du holster : la zone n'est pas très sûre. Et quand un cavalier approche, le double comité d'accueil facilite la conversation qui est très vite condescendante de la part de l'intéressé. Il part chercher des secours mais personne ne le reverra jamais à Ati, car l'oued nous sépare. J'espère que la balise de détresse que j'ai déployée fonctionne car, en phonie, aucun contact avec le ravitailleur ni avec le Breguet Atlantic. Il pourrait écouter “guard”, cela se fait, mais ne semble pas être le cas. Je ne sais ni n'imagine un seul instant avoir été victime d'une collision. C'est l'atterrissage du collègue, au moment où il passe devant la tour de contrôle avec le parachute sorti et une pointe avant du style Mig-21, qui va permettre de réaliser qu'il se passe quelque chose, mais ce délai ne fait qu'augmenter le cercle des recherches. Trois heures, il aura fallu trois heures pour me repérer grâce à la balise. Je peux vous assurer que j'ai eu beaucoup de mal à me servir du miroir de détresse, car le mode d'emploi ne précise pas qu'il faut enlever la casquette. Mais j'ai eu trois heures pour m'entraîner et, quand j'ai entendu le ronronnement des matelots du Breguet, je leur ai fait un guidage de 10.000 pieds jusqu'au passage au ras des marguerites, pardon du mil. Ça y est, on est sauvé. Et puis non, tout est perdu : au même moment les rebelles attaquent à l'arme lourde ! Non, vu la couleur rouge du panache de fumée, j'en déduis que c'est une rétrofusée tirée par le Breguet. Trente minutes après, deux Puma arrivent d'Ati. Le premier, en version “Pirate” avec un canon de 20 mm en sabord, se met à faire des cercles, l'autre se pose près de moi et que ça gerbe tout azimut. J'ai beaucoup de mal à convaincre le jeune lieutenant que j'ai pacifié la zone, et qu'il peut remballer ses vaillants guerriers armés jusqu'aux dents. Depuis que le Breguet est arrivé, je sais ce qu'il s'est passé et que mon équipier est prévenu qu'il ne m'a pas broyé, ce qui permet, arrivé à Ati, de boire une bonne Gala [NdA : bière traditionnelle du Tchad] bien fraiche à une santé qui nous est chère, individuelle et portative : la nôtre. Un marin, qui, dans un livre intitulé “Une ancre et des ailes”, relate cette histoire, m'a permis de me remémorer le gag des gags : à l'heure de mon éjection, un hélico de l'Alat a déclenché une balise pour simuler pour exercice. Évidemment, personne n'a cru à un problème réel, ce qui n'a pas simplifié les choses. (1) Jean FRANÇOIS L'accident vu du côté C135 Pour avoir été le PCA du C135F de cette mission je peux raconter l'évènement vu ,de notre côté et je m' en souviens assez bien. L' ATLANTIC prendra la relève et gagnera la partie de BARBU. A son retour, je n' ai pu le voir que brièvement. En tant qu' “ancien” du Martin Baker Tie Club , J' aurais aimé être le premier, à lui souhaiter la bienvenue. La commission d'enquête me demandera, pourquoi au briefing j' avais souhaité que la séparation se fasse par la gauche. Je répondis “ Pour que le pilote puisse voir les chasseurs et effectuer son virage en toute sécurité. De plus c'était prévu comme ça dans les procédures des FAS (CPO tome x) et qu' en l' absence d' autres consignes je faisais appliquer celles des FAS.” Après vérification , ma réponse donna entière satisfaction et un classeur CPO propre aux Opés fut crée...et son poids ne fit qu' augmenter Voila qui finit bien et qui est très bien raconté par l' ami “ BARBU”. Je ne l' ai hélas pas revu au cours de mes nombreux détachements. L'intervention du Bréguet Atlantic Récit de Michel HEGER. Extrait de "Une ancre et des ailes" (Ed : Editions du Pen-Duick et Ouest-France - 1989)
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