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Recrutement des pilotes de C135F et leur transformation
La montée en puissance des unités de C135F a été très rapide.
Quelques dates rappelées ci-après en témoignent :
Courant 1962 : Définition du C135 français et décision d'achat de 12 avions.
14-03-1963 : Début d'entraînement du 1 er équipage à Castle AFB.
03-02-1964 : Convoyage vers la France du 1 er C135F
01-10-1964 : Prise d'alerte opérationnelle à Mont-de-Marsan.
Le recrutement des équipages et plus particulièrement des pilotes, leur transformation sur C135F et l'acquisition de leur qualification opérationnelle ont donc dû se faire très rapidement.
Ce qui fut réalisé peut être considéré comme un exploit !
Le recrutement des pilotes s'est fait en puisant dans tous les grands commandements :
Unités de chasse, de transport, de bombardement ………
Neuf équipages furent envoyés en stage de transformation aux USA en 1963 et 1964.
Les équipages suivants furent formés au sein de la 90eme escadre de ravitaillement en vol, puis de l'ERV 4/93 "Aunis" à Istres.
Beaucoup de pilotes de chasse furent volontaires pour passer sur C135F en raison de soucis d'aptitude physique souvent dus à des accidents, éjections ou crash, ayant causé des ennuis de colonne vertébrale ou de membre inférieurs. C'était mon cas.
J'étais pilote de chasse. Un crash sur T28 en Algérie endommagea ma colonne vertébrale et me posait des problèmes d'aptitude siège éjectable.
Après une visite à la DPMAA qui accéléra les choses, j'étais affecté à Istres pour une transformation sur C135F.
Mon copilote, le capitaine Hypolite était aussi inapte siège éjectable et donc avion de chasse : Il avait eu les genoux disloqués à la suite d'une éjection de Vautour à vitesse voisine du sonique et après opération la flexion des genoux restait limitée.
Le commandant Rigault avait des vertèbres abîmées à la suite d'une éjection d'un Mirage 3.
Ce ne sont que quelques exemples.
Les pilotes venaient de tous types d'avions : Mirage III, Vautour bombardement et Vautour chasse tout temps, DC8, NordAtlas et même de bimoteurs MD315.
Si les pilotes de transport, habitués au pilotage de grosses machines multi-moteurs et aux règles de la CAG (Circulation Aérienne Générale) ne furent pas trop dépaysés en découvrant le C135F, il n'en fut pas de même pour les pilotes de chasse, habitués au pilotage de monoplaces mono-réacteurs et à la navigation en COM (Circulation Opérationnelle Militaire).
Ils ne connaissaient donc pas le vol en équipage, ou peu, et étaient habitués à tout assumer seuls :
Pilotage, navigation, contacts radio, décisions ….
Pour eux, d'autre appréhensions, vite disparues, tenaient à la taille de l'avion, et aux commandes non assistées du C135 (Sauf le rudder qui avait une assistance hydraulique).
Le pilotage fut un peu surprenant au début. En effet cet avion nous parut lourd et instable du fait de l'absence d'assistance hydraulique; L'avion était sujet au désagréable roulis hollandais (Dutch roll), à condition d'insister il est vrai !
Mais ,très vite, les ex-pilotes de chasse domptèrent la bête.
Pour ma part le pilotage du C135 ne m'apporta jamais les joies du pilotage d'un chasseur.
Facile en bonnes conditions, je le trouvais rebelle en conditions de turbulence ou de vent de travers à l'atterrissage. C'est une bête qu'il fallait maitriser dans ces conditions particulières.
Mais, en compensation, j'ai découvert les joies du vol en équipage et la camaraderie et les liens de confiance qui en résultent.
Nous avions en ERV l'occasion de faire voler nos valeureux mécaniciens et ainsi de mieux les connaître et les apprécier. Et réciproquement sans doute.
Il y a aussi les missions extérieures (Pacifique, Afrique etc ….).
Ajoutons les missions de convoyage et d'entrainement au ravitaillement en vol avec les chasseurs pour garder le contact avec mes ex-camarades.
Pour résumer, l'activité en ERV m'a fait connaître et apprécier un autre aspect de l'aviation que j'ignorais dans la chasse.
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Stages de transformation :
Un équipage, dit "de marque" mené par le commandant Guillou fut envoyé aux USA pour y être transformés sur KC-135 en mars 1963; il fut suivi de 8 autres équipages.
Ces stages s'effectuèrent de mars 1963 à Janvier 1964 et consistaient en :
- Un mois à LACKLAND A.F.B. Texas: Perfectionnement à la langue américaine.
- Trois mois à CASTLE A.F.B. Californie :
- Cours au sol : 5 semaines.
- Cours en vol : 7 semaines (65 heures de vol environ.)
Quatre de ces équipages furent affectés à la 90eme Escadre de ravitaillement en vol à Istres en qualité d'instructeurs sur C135.
Cette escadre fut mise sur pied par le commandant Guillou secondé du commandant Plessier.
Les moniteurs, qui n'avaient que 65 heures de vol sur C135F, s'acquittèrent de leur tâche avec compétence et en toute sécurité puisqu'il n'y eut pas de casse.
Les stages de transformation se succédèrent ensuite au sein de la 90eme Escadre, puis à la dissolution de celle-ci au sein de la division d'instruction l'ERV 4/93 "Aunis".
Il convient donc de noter :
- Concernant les pilotes :
La performance des moniteurs qui assurèrent l'instruction en pilotage et en technique avion malgré leur expérience limitée sur ce type d'avions tout à fait nouveau pour eux.
La variété de l'origine des pilotes : ceux venant de la chasse ou du Vautour ont du s'accoutumer à un gros multi réacteur type transport, au vol en équipage, ce qui veut dire déléguer donc faire confiance au navigateur, à l'ORV et au copilote.
Pour eux c'était aussi découvrir les règles de circulation aérienne générale (CAG) alors que leurs missions de chasse étaient presque exclusivement effectuées en Circulation Opérationnelle Militaire (COM).
Toutes choses très nouvelles pour un pilote de chasse, qui se sentait observé par les anciens pilotes de lourds.
L'osmose s'est cependant faite tout naturellement, sans heurt, chacun apportant son style et sa personnalité.
Il faut noter aussi que les premiers pilotes de chasse furent promus 1 er pilote commandant d'avion dés la sortie du stage après 15 vols en 90 heures de vol sur C135.
Nous nous retrouvions ainsi commandants d'avion pour des missions lointaines ou même plus simplement des terrains civils très fréquentés comme Orly.
Je me souviens avec émotion de mes premières missions vers Miami et Los Angeles et Tahiti en premier pilote commandant d'avion avec très peu d'expérience pour ce genre de mission.
Ou simplement un atterrissage à Orly au milieu d'un trafic important !
Matériel de pédagogie :
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- Pas de simulateur de vol bien évidemment. Les amphis cabine se faisaient sur les avions au parking entre deux missions.
Il était fréquent que le chef de la DI ait à pleurer pour obtenir un créneau d'une heure d'avion au parking pour ses stagiaires.
Il a fallu attendre 1973 pour avoir ce que nous appelions notre link, réplique d'une cabine de C135 réalisée par des PN et des mécanos de l"Aunis" et du Germas 15/90 à partir de pièces (Tableau de bord et autres) obtenues d'AIR France. Le capitaine Pilot aidé de l'adjudant-chef Desbarats le réalisèrent bénévolement.
Ce link avait très belle allure !
- L'entraînement à la procédure anglaise, si nécessaire pour les voyages internationaux, fut également très artisanal à partir de simple magnétophone et de bandes de procédures glanées à Air France.
En conclusion
On peut dire que la montée en puissance des unités de C135F, et donc la formation des équipages et leur mise en condition opérationnelle, furent une grande réussite réalisée en une période très courte.
Chacun travaillait avec enthousiasme, sur une belle machine moderne, très nouvelle pour tous pour la réussite de notre mission.
Pour la plupart d'entre nous, notre passage en ERV sur C135 fut une de nos expériences les plus enthousiasmantes dans l'armée de l'air. Nous y avons connu un remarquable esprit d'entraide et de camaraderie, sur un magnifique avion pour une mission exaltante parfaitement définie en coopération avec les mirage4.